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--ALSACE CULTURE BILINGUE-- René Schickele Gesellschaft
21 octobre 2019

Quand Joseph Rossé dénonçait l'antisémitisme

joseph rossé

Joseph Rossé est né, citoyen allemand, le 26 aout 1892, à Montreux-le-Vieux (Haut-Rhin, en Alsace) au sein d’une famille catholique et francophone. Parfaitement bilingue cependant, allemand et français, il entame une carrière d’instituteur à Colmar et se confronte au « malaise alsacien » en faisant l’amère expérience de la discrimination que subissent les instituteurs alsaciens, en comparaison des instituteurs de la France de l’Intérieur, dépêchés en Alsace à des fins de dégermanisation (nous sommes dans les années 1920-1925), lesquels bénéficient d’un traitement fortement majoré pour compenser les soi-disant sujétions de l’expatriation. Il s’engage dans le syndicalisme et, très naturellement, épouse la cause du régionalisme voire de l’autonomie de l’Alsace-Moselle. Il s’engage en politique et parvient à la députation mais est cité à comparaitre, en 1928, au très controversé procès de Colmar, à l’issue duquel il est condamné à l’emprisonnement en compagnie de trois autres prévenus dont Eugène Ricklin. Gracié, il n’en sera pas moins deux fois réélu à la Chambre.  Il est à nouveau inquiété à la veille de la seconde guerre mondiale, pour soupçon d’intelligence avec l’ennemi (quoique, député, ayant voté les crédits de guerre contre l’Allemagne). Pendant la guerre, il fait l’objet de pressions nazies pour justifier la réintégration de l’Alsace dans le Reich. Il compose avec l’occupant, ce qui lui sera reproché à la fin de la guerre au cours d’un procès qui le condamne à quinze ans de travaux forcés. Il meurt d’épuisement le 24 octobre 1951, en la prison de Villeneuve-sur-Lot. 

Ainsi, Joseph Rossé, figure emblématique de l’âme alsacienne tiraillée entre deux entités qui se la disputent, reste-t-il un héros obscur, injustement relégué dans un purgatoire jacobin. Maintes associations de défense de l’identité alsacienne déploient de constants efforts pour réhabiliter sa mémoire scandaleusement ternie.  

 

Dans cet esprit, l’historien Jean-Claude Streicher nous fait part d’une contribution : QUAND JOSEPH ROSSE DENONçAIT L’ANTISMITISME. Elle souligne à la fois les prises de position de Rossé et constitue une fresque historique de l’antisémitisme qui régnait à l’époque.

 

Citons Jean-Claude Streicher :

« Le quotidien catholique colmarien de langue allemande Elsässer Kurier publié par les éditions Alsatia, alors dirigées par le député Joseph Rossé, a pris position contre l'antisémitisme, notamment hitlérien, à partir du 22 septembre 1938, à l'occasion d'une série de quatre articles intitulée „Ein offenes Wort um unsere israelitischen Mitbürger“ (Texte public sur nos concitoyens israélites), assortie de deux commentaires complémentaires. »

Et: 

« Cet „offenes Wort“ n'est malheureusement pas signé. Est-il l'oeuvre d'une individualité ou d'un groupe de réflexion ? En le lisant attentivement, on se convainc qu'il répondait à une attente, une impatience de la rédaction du journal comme de ses lecteurs :„Zuschriften aus unserem Leserkreise bitten uns hier zur Orientierung unserer Freunde zu diesem schmerzvollen Problem in vier Artikeln Stellung zu nehmen.“ 

Mais on restait dans la ligne de l'encyclique „Mit brennender Sorge“ du pape Pie XI du 14 mars 1937 ainsi que des déclarations que ce dernier avait faites le 6 septembre 1938 à Rome à des pèlerins belges : « Par le Christ et dans le Christ, nous sommes de la descendance spirituelle d'Abraham. Non, il n'est pas possible aux chrétiens de participer à l'antisémitisme. L'antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites.“ 

L'Elsässer Kurier, cependant, alla bien au-delà de cette simple filiation spirituelle. Il rejetait également l'antisémitisme nazi au nom de l'amour de tous les prochains professé par le christianisme, et même, de manière tout-à-fait inattendue, au titre des droits de l'homme („Menschenrechte“). Il enrichissait de plus son argumentaire de nombreuses considérations tirées du contexte alsacien ainsi que de propositions de réforme de comportements, qu'il adressait tant aux juifs qu'aux chrétiens, en vue de tarir l'antisémitisme à ses sources. Ajouts, qui augmentent évidemment l'intérêt historique de sa prise de position. 

Mais on devine que l'auteur était seul : le 26 septembre 1938 (donc au paroxysme de la crise des Sudètes), il est ainsi précisé que d'autres priorités (à la rédaction du journal ?) l'ont empêché de finaliser la 4e et dernière partie de son feuilleton quotidien („Der Verfasser war durch dringende Berdürfnisse der Stunde daran verhindert“). Celle-ci n'a donc pu être insérée que le dimanche 2 octobre, après un blanc de huit jours. 

Qui était cette individualité ? Joseph Rossé, alors, comme il le reprécisera lui-même dans l'Elsässer Kurier du 15 octobre suivant, „politischer Leiter der bedeutendsten Presse des Elsass und journalistischer Wortführer der politischen Partei (l'UPR), auf welcher 9 Abgeordnete auf 16 und der grösste Teil der Wähler unserer beiden Departements sich vereinigt“ ? Ou Marcel Stürmel, toujours député de la Volkspartei à Altkirch et toujours collaborateur de l'Elsässer Kurier ? »

 

Jean-Claude Streicher nous livrera le fin mot de l’histoire dans cette contribution, disponible en intégralité, en version pdf, sur simple demande auprès du rédacteur de ce blog. 

 

 

 

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